Ressentir la musique ou pas, est-ce un problème ?

Telle est la question ! Une interrogation que Shakespeare aurait pu poser tant elle soulève de débats et de doutes chez les musiciens en herbe.

Peut-on jouer de la musique si l’on ne la « sent » pas instinctivement ?
Est-ce une barrière infranchissable ou simplement une autre manière d’aborder cet art ?
Cette question, je me la suis souvent posée. Je l’ai aussi entendue dans la bouche de nombreux élèves au fil de mes 26 années d’enseignement.

Quand on me dit :

« Je me demande si je suis fait pour apprendre la batterie… J’ai l’impression de ne pas sentir la musique comme les autres. »

Ma réponse est simple : oui, et mille fois oui !
Car ne pas sentir la musique n’est pas un handicap, c’est une autre façon de l’aborder.

faut-il un "don" pour être musicien ?

Faut-il un « don » pour être musicien ?

On entend souvent dire que certains ont « la musique dans le sang », qu’ils « ont l’oreille », ou encore qu’ils « sentent le groove ».
C’est vrai. Certains ont une aisance naturelle. Mais est-ce que cela veut dire que les autres doivent renoncer ?

Prenons un exemple simple : la voile.

À un moment donné, j’ai voulu faire du bateau. Rapidement, je me suis rendu compte que je ne sentais absolument pas le vent. Impossible de comprendre d’où il venait,où mettre la voile… et je tournais en rond ! Résultat : j’ai laissé tomber, car se perdre en mer, c’est dangereux.

Mais la musique, ce n’est pas la mer ! Si vous ne sentez pas un rythme, vous n’allez pas couler.
Vous pouvez prendre le temps de le comprendre, de l’analyser et de l’intégrer à votre manière.

Si la musique était réservée à ceux qui la sentent naturellement, il y aurait bien moins de musiciens !

Heureusement, ce n’est pas le cas.

comprendre la musique pour mieux la ressentir

Comprendre la musique pour mieux la ressentir

Il y a quelques années, en pleine répétition pour une série de concerts, un musicien expérimenté me dit :

« Mais Marco, tu ne sens pas cette pêche ? C’est pourtant évident ! »

Eh bien non, je ne la sentais pas.

Plutôt que de me décourager, j’ai réécouté le morceau. Cette fois, j’ai cherché à comprendre. Et j’ai trouvé : cette fameuse « pêche » n’était pas placée sur la croche, mais sur la double croche, dans un tempo rapide.

Dès que j’ai eu cette information, tout est devenu clair. J’ai remplacé l’instinct par l’analyse, et ça a fonctionné !

Et c’est là que réside une des grandes incompréhensions autour de la musique :

beaucoup de gens pensent que ressentir la musique, c’est la maîtriser parfaitement, sans avoir à réfléchir.

Pourtant, la musique peut se ressentir autrement que par la seule technique.

J’ai souvent eu des élèves qui se sentaient bloqués par la peur de ne pas être « naturels ». Ils pensaient que s’ils ne sentaient pas un passage, c’est qu’ils n’étaient pas faits pour la musique.

Alors, pour les aider, j’ai mis en place une expérience qui a toujours fonctionné.

Je rassemblais quatre élèves batteurs et demandais à l’un d’eux de choisir une saison sans la dire aux autres. Ensuite, il devait jouer sur sa batterie ce que cette saison lui évoquait.

Et là, surprise !

  • Pour l’été et l’hiver, les autres élèves reconnaissaient la saison dans 100% des cas.
  • Pour le printemps et l’automne, le taux de réussite tombait à 50%.

Pourquoi ? Parce que l’été et l’hiver sont marqués par des contrastes nets : une musique ensoleillée, éclatante, puissante pour l’été ; un jeu plus lourd, posé, répétitif pour l’hiver.

Cet exercice leur montrait que la musique n’est pas juste une suite de notes ou de rythmes, c’est avant tout une émotion, une couleur, une sensation.

comprendre la structure d’un morceau

Comprendre la structure d’un morceau, sans connaître l’harmonie

Un autre élément fondamental pour mieux ressentir la musique, c’est d’en comprendre la structure.

Il n’est pas nécessaire de savoir ce qu’est un accord de Fa ou de La mineur.

Ce qui compte, c’est d’entendre la suite logique des accords.

Dans la plupart des morceaux, il existe une logique auditive :

  • Certains accords « appellent » un changement, un mouvement.
  • D’autres marquent un retour au calme ou la fin d’une phrase musicale.
  • Il y a des cycles d’accords récurrents qui permettent d’anticiper la suite.

Sur mon site jejouedelabatterie.com, toutes mes partitions sont annotées avec des repères clairs :
intro, couplet, pré-refrain, refrain, pont, solo, outro… Cela permet aux batteurs de mieux comprendre la structure globale du morceau, et donc de mieux l’interpréter.

l’exemple du batteur de stevie wonder : écouter avant d’agir

L’exemple du batteur de Stevie Wonder : écouter avant d’agir

Un soir, lors du festival de Juan-les-Pins, un ami guitariste jouait en club après le concert principal. Ce soir-là, Stevie Wonder était la tête d’affiche du festival.

Son batteur vient écouter mon ami et lui propose de faire un bœuf.

Lorsqu’il joue, il ne fait aucun break, aucune mise en place. Il se contente de jouer un groove simple et efficace, sans jamais tenter quoi que ce soit d’extravagant.

Le lendemain, il revient et rejoue le même morceau, mais cette fois, il ajoute tous les breaks, toutes les mises en place, toutes les subtilités.

Pourquoi ce changement ?

  • Le premier soir, il a mis son ego de côté pour écouter et comprendre la musique.
  • Le lendemain, il a utilisé cette compréhension pour enrichir son jeu.

Même à haut niveau, la musique passe avant tout par l’écoute et la compréhension.

c’est bien beau tout ce blabla… mais comment je fais ?

C’est bien beau tout ce blabla… mais comment je fais ?

D’accord, tout cela est intéressant, mais concrètement, comment faire pour ne plus compter et ressentir naturellement la musique ?

Le premier réflexe à avoir, c’est décortiquer le morceau avant même de jouer.
Il ne s’agit pas d’apprendre mécaniquement des breaks ou un rythme, mais de comprendre comment le morceau est construit.

Prenez un papier et un crayon et notez la structure du morceau que vous souhaitez jouer.
Pas besoin de faire compliqué, une écriture simple suffit.

1. Noter le tempo et s’assurer qu’il est bien compris par tout le groupe

Si vous jouez en groupe, vérifiez que tout le monde est sur le même tempo. Cela peut sembler évident, mais avec l’expérience, on réalise que ce n’est pas toujours le cas !

Certains musiciens pensent en noire, d’autres en blanche, et cela peut créer des décalages. Pour éviter toute confusion, mettez-vous d’accord sur une référence commune.

2. Identifier les différentes parties du morceau

  • Notez les grandes sections du morceau : intro, couplet, refrain, pont…
  • Si c’est une chanson, évitez d’utiliser les paroles comme repère. En concert, si vous entendez mal le chanteur ou s’il improvise légèrement, vous risquez de perdre vos repères.
  • Préférez écouter la mélodie plutôt que les mots. Repérez les notes chantées, pas les paroles.

Votre allié dans un groupe, c’est souvent le bassiste. La basse suit l’harmonie et donne de nombreux repères pour savoir où on en est dans la chanson.

3. Indiquer les breaks sans les écrire en détail

Repérez les fills et breaks, mais ne cherchez pas à les écrire entièrement. Notez simplement où ils se trouvent dans la structure.
Essayez aussi de savoir si une partie fait 8 mesures, 4 mesures qui se répètent, etc.. Ces cycles sont importants pour anticiper les changements sans compter mentalement.

Prenez le temps d’écrire cette structure proprement, cela vous fera gagner énormément en aisance ensuite.

4. Exercice pratique : écrivez la structure du morceau

Voici un exemple de ce que cela peut donner :

MA CHANSON

Tempo : 112 BPM
Style : Rock

Intro – 4 mesures – guitare seule – fill léger sur le 4e temps de la 4e mesure

Couplet 1 – 4 mesures, fill léger – 4 mesures, gros fill

Pré-refrain – 2 mesures – stop sur le 4e temps de la 2e mesure

Refrain – Ride appuyé – 8 mesures – Gros fill en fin

Post-refrain – Hi-hat sur tous les temps – 2 mesures

Couplet 2 – Identique à Couplet 1

Pré-refrain + refrain – Rythmique avec hi-hat ouvert

Pont – 8 mesures – Hi-hat sur tous les temps – Fill 1 mesure (8e mesure) – 8 mesures, rythmique appuyée

Refrain
Refrain

Outro – Attention, finir sur le 3e temps de la dernière mesure

Pourquoi faire ça ?

Parce que lorsque vous jouez, au lieu de vous forcer à compter, vous allez sentir où sont les transitions et anticiper naturellement les changements.

Ce travail d’écoute et d’analyse vous permettra de jouer avec plus de confiance et de fluidité, sans vous noyer dans un comptage permanent.

VI. Conclusion : Développer l’écoute et les repères

Alors, que vous « sentiez » la musique ou non, ne vous arrêtez pas.
Trouvez votre chemin, expérimentez, et surtout…
faites-vous plaisir !

L’important, ce n’est pas de savoir jouer un break spectaculaire au bon moment

c’est d’apporter du groove et de servir la musique.

 

 

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